Vercellotti, grand peintre vivant ?
Vercellotti est vivant, je l'ai rencontré. Il ressemble à mon professeur d'accordéon. Je pense que cette ressemblance vient du fait qu'il peut définir comme lui son métier d’un mot, ce que j'envie et qui fait gagner beaucoup de temps : accordéoniste, peintre.
On voit bien que Vercellotti, en plus d'être vivant, va durer. C'est le genre de type sage qui ne fait pas d'excès. Les excès de Vercelotti sont peut-être de reprendre un deuxième yaourt nature. Il va durer et donc peindre encore beaucoup. C'est une bonne chose parce qu'il peint de mieux en mieux. Sa peinture perd de sa rigidité, elle s'arrondit comme la voile d'un bateau.
La question qu'on peut se poser c'est pour qui peint Vercellotti ? Faut-il être initié et entrer dans des complots pour apprécier sa peinture ? L'homme ne se moque-t-il pas de nous ? Des chiffres traversent ses tableaux, comme le 102 (sans 2), curieux message de la part de quelqu'un qui double ses consonnes. Est-ce une énigme à la Magritte ? Peut-on acheter une peinture de Vercellotti et la mettre sur son mur sans crainte ? A notre insu, les cartes et les chiffres ne menacent-ils pas notre santé mentale ? Que penser d’un tableau avec des entonnoirs ?
Faut-il préférer des taches de couleur ? Des baigneuses aux fesses un peu molles ? Des aquarelles délicates aux feuillages du bon vert ? Je ne le crois pas. Les petites bouteilles d’encre bleue de Vercellotti prennent la mer mais le voyageur jaune reste à quai. J’aime cette surprise. Je suis moi aussi cette petite bouteille d’encre qui veut voyager et qui a soif du Monde. J’aime les peintures de Vercellotti comme j’aime le Portugal. Les poèmes de Matilde Rosa Araujo me font penser aux tableaux de Vercellotti, comme celui-ci :
Jardin
On dit que mon pays est un jardin planté en bord de mer
Et moi je sais que mon pays est un jardin peint en bord de mer
Trempant ses pinceaux de l’exil dans la mer et dans les visages éprouvés
Je sais que je ne suis pas dans mon pays même si mon enfance prend racine dans un jardin
Toujours peint, jamais planté
Et je restais toute la nuit agrippée aux barreaux du lit dans l’espoir de connaître le peintre, agenouillée.
Quand j’avais l’âge d’avoir l’enfance que je n’ai pas eue
Aujourd’hui mes pieds mes mains sont toujours douloureux
Et mes yeux regardent ce jardin
Et mes genoux qui restent agenouillés
Je n’ai trouvé ni fleurs ni racines hors de cette peinture bleue
Salée et muette. Jamais.
Et le peintre est mort dans un tombeau en bois au fond de la mer.
Vercellotti est vivant et il a l’air tranquille. Il peint.
On peut voir ses tableaux à Toulouse au Centre Culturel Saint Jérôme jusqu'au 14 février.