Le pull habite

Le matin commence par le café des collègues. Un petit tour des atours de chacune, une vérification de la coiffure. Qui est allé chez le coiffeur, qui a mis une jupe trop courte, qui veut une promotion, les joies délicates de l'humour au bureau. 

Ce matin-là pourtant j'ai vu quelque chose que personne ne semblait avoir vu. Une de mes collègues parmi les plus chics, toujours très délicate et bien habillée, arborait un superbe pull blanc cassé irlandais. Jusque là, tout allait bien, pas de faute de goût. En hiver, le pull irlandais s'impose, surtout quand les ouvriers chargés des travaux laissent les portes ouvertes, nous laissant congelées. Non, le plus étrange était le motif en relief, répété à de nombreuses reprises sur l'ensemble de l'habit, car il représentait un sexe masculin dressé vers le haut. Or, une recherche internet sur les motifs irlandais ne donne jamais ce motif. 

Mes collègues, si promptes habituellement à mettre en boite la moindre excentricité, ne voyaient rien. La collègue elle-même ne s'était rendue compte de rien. J'étais la seule apparemment à avoir vu la lubricité extrême de ce pull. Devais-je en parler ? Sans doute que la collègue propriétaire aurait-elle été mortifiée, elle l'aurait ôté et aurait même pris froid. Je n'ai donc rien dit. 

Mais quand même.